TradOnline célèbre la diversité en cette période de fin d’année en vous proposant les témoignages de quelques-unes de nos traductrices qui nous expliquent comment sont fêtés Noël et la Nouvelle Année dans leurs pays respectifs. Que la fête soit essentiellement religieuse, qu’elle soit une occasion de passer du temps avec son amoureux ou ses amis, la fin de l’année revêt différents aspects dans le monde. Certaines choses sont cependant les mêmes partout : les fêtes de fin d’année nous permettent de nous réunir avec nos êtres chers et de partager de bons plats et de s’amuser!
La Corée : la fête, le romantisme et le partage !
Pour les Coréens, Noël n’est pas une fête de famille comme en France. Il est vrai que les enfants attendent du Père Noël qu’il leur apporte un cadeau mais à part cela, il n’est pas habituel de passer le Noël en famille. Les chrétiens vont à la messe et les autres font la fête et se donnent des cadeaux entre amis ; quant aux amoureux, ils passent souvent une soirée romantique. Souvent les gens font une fête de Noël-Fin d’année regroupée mais ils pensent aussi beaucoup aux personnes démunies. En fin d’année, il y a partout des incitations pour aider ceux qui sont dans le besoin.
Bref, Noël pour les Coréens, c’est la fête (souvent entre amis), le romantisme et le partage !
Ji-Young Hamayon
Russie : les traditions anciennes, les nouvelles, les mets !
En Russie, la fête la plus importante de l’année est le Réveillon de Nouvel An. Les Russes célèbrent également Noël, mais en fait le 7 janvier puisque l’Eglise orthodoxe Russe suit le calendrier julien. C’est pourquoi nous avons la chance d’avoir environ 10 jours de vacances officielles qui vont du 1er au 10 janvier. Nous avons également une fête bizarre appelée le « Vieux Nouvel An », qui est une fête traditionnelle informelle, célébrée au début de la nouvelle année du calendrier Julien. Elle a lieu le 14 janvier du calendrier grégorien, et de nombreuses personnes font la fête ce jour-là également.
Comment les Russes passent-ils cette période de fêtes ? Nous avons bien sûr un sapin de Nouvel An et nous le décorons de multiples objets : des boules de verre brillantes, des étoiles, des figurines d’oiseaux et d’animaux, des bonbons et des lumières. Le jour du Réveillon, nous cuisinons d’énormes quantités de mets savoureux, suffisamment pour durer une semaine voire plus, y compris des plats quelque peu étranges comme le « Hareng sous son manteaux de fourrure » (une salade de hareng, pommes de terre, betteraves et mayonnaise) et de la « gelée de viande ». Vous pouvez regarder cette vidéo pour avoir une idée de ce que sont ces plats typiques:
Deux figurines sont généralement posées sous le sapin : Grand-père Gel qui porte un long manteau de fourrure bleu ou rouge, un chapeau de même couleur et des bottes en feutrine et sa petite-fille, la JeuneFille de la Neige, à la longue tresse blonde et également vêtue de fourrure. Ces deux personnages féériques rendent visite aux enfants aux environs de minuit. Bien sûr Grand-père Gel a parfois les yeux qui vous semblent étrangement familiers et la Jeune Fille de la Neige ressemble à la collègue de votre maman, Irina Petrovna, mais qu’importe si vous recevez le cadeau dont vous avez rêvé toute l’année !
Pour ce qui est des adultes, la tradition est de se réunir devant le poste de télévision et de regarder les vœux du Président ; ceci se passe environ 10 minutes avant minuit. Le Président Russe s’adresse à la nation, prononce un court discours portant sur les événements de l’année écoulée et remercie le people pour son soutien. Après le discours, l’horloge de la Tour Spasskaya du Kremlin apparait avec le décompte des dernières secondes avant minuit. Tout le monde boit du champagne, se félicite et se souhaite la bonne année. A votre santé et bonne année !
Sophia Shishatskaya
Suède : de la lumière dans la nuit noire
Si la Suède est relativement peu religieuse, nous n’en aimons pas moins nos traditions de Noël. Que vous soyez croyant ou pas, vous pouvez participer, et ceci est peut-être plus simple puisque le nom de la fête en suédois n’est pas en lien avec le Christ. Nous avons conservé le terme de Julde notre passé Viking. L’esprit de Noël commence à se faire sentir dès le début décembre. Toutes les fenêtres, à la maison et au travail, sont décorées d’étoiles et de bougies électriques pour illuminer la nuit qui arrive très tôt dans la journée. Nous avons également un chandelierspécial de l’Avent de quatre bougies, pour chaque dimanche de l’Avent.
Le 13 décembre c’est la fête de la Sainte Lucie, célébrant la lumière. Les enfants et adolescents s’habillent de blanc et portent des bougies ; quant à Lucie, elle porte une couronnes de bougies sur la tête. Ils chantent et apportent du café, des gâteaux au safran et du pain d’épices
Ensuite c’est la période de julafton (la veille de Noël) où chacun passe du temps en famille (souvent la famille élargie). L’arbre de Noël a été décoré de nombreuses bougies et les cadeaux attendent d’être distribués. Nous faisons un gigantesque repas, un smörgåsbordsuédoistypique composé d’un jambon de Noël (pas de dinde en Suède) et de différents types de hareng et de saumon, des boulettes de viande, des saucisses et d’autres mets typiques. Et pour se désaltérer: de la bière jul et du snaps (une sorte de vodka) pour les grands et une boisson non alcoolisée pour les enfants le julmust. De toutes les traditions qui se poursuivront jusqu’à Tjugonda Knut en janvier lorsque le sapin est jeté, pour nous l’aspect le plus agréable de Noël est la fête de la lumière avec toutes les bougies et les décorations, et passer de bons moments avec sa famille et ses amis. Bonne Jul !
Carin Soussi-Engman and Marie Olsson
Brésil : une fête avec de nombreux mets et de la lumière
Noël est une fête traditionnelle au Brésil. A la fin de novembre les gens décorent leurs maisons et mettent de petites lampes de couleur dehors, ce qui illumine encore plus les villes à cette période de l’année. La tradition de décorer des sapins de Noël et de construire des crèches (appelées “presépios”) est également très suivie. Les personnes croyantes ne ratent pas la Messe de minuit (“Missa do Galo”) la veille de Noël, ensuite elles retournent chez elles pour le Ceia de Natal ou repas de Noël.
Il s’agit d’un repas important qui dure jusqu’à l’aube ! Souvent il se compose de fruits, de noix, de dinde, de “chester” (un chapon), de “panetone” (un gâteau Italien) ou sa version chocolat, “chocotone”, et d’autres spécialités dont ma préférée est le “bolinho de bacalhau” (un mets frit à base de poisson et de pommes de terre). Le repas s’accompagne de vin, et, plus souvent de nos jours, de bière. Pendant cette veille de Noël, les enfants attendent “Papai Noel” (le Père Noël) qui apporte les cadeaux. Je me souviens de mon enfance quand je me réveillais le matin en me demandant ce que le Père Noël m’avait apporté. Noël est fêté quand c’est l’été au Brésil, c’est pourquoi des mets plus légers seraient plus recommandés. Toutefois, ma maman a toujours essayé de conserver certaines des traditions héritées de nos ancêtres Portugais, Italiens et Français. C’est pourquoi les marrons, le vin, le “rabanadas de vinho” (du pain mouillé au vin et passé dans des œufs battus, ensuite frit et recouvert d’un mélange de sucre et de cannelle), du “turinois” (une crème sucrée faite de marrons et de chocolat) et la “bûche de Noël” sont toujours présents sur la table de notre réveillon.
Contrairement à ce qui se passe en Europe et en Amérique, les concerts et chœurs de Noël ne sont pas habituels au Brésil. On entend des chants de Noël principalement dans les centres commerciaux ; ce sont des enregistrements traduits ou adaptés en Portugais. Les plus connus sont “Bate o Sino” (Jingle Bells), “Noite Feliz” (Douce Nuit), “Então é Natal” (Happy Xmas).
Si les gens fêtent Noël à la maison, pour Nouvel An ils vont généralement faire la fête ailleurs. La Nouvelle Année est célébrée avec des feux d’artifice. Au Brésil, le feu d’artifice le plus célèbre est celui tiré sur la plage de Copacabana à Rio de Janeiro, qui est envahi de touristes en provenance du Brésil et du monde entier à cette période de l’année.
Quand se précise le projet d’internationaliser son site Internet, on nous demande très souvent de traduire vers l’anglais international, afin d’atteindre le plus grand public possible. Malheureusement, l’anglais international est un mythe, et nous allons vous expliquer pourquoi.
L’anglais international, un bel idéal
Tout d’abord, nous comprenons la demande très légitime d’une langue unique : le coût d’un projet de traduction peut être important et il serait réellement plus simple qu’une langue corresponde aux besoins de tout le monde anglophone. Après tout, les anglophones semblent très bien se comprendre entre eux et communiquent aussi bien que nous avec les Belges ou les Suisses francophones. Cependant, la traduction est parfois toujours affaire de précision : si une certaine approximation peut être acceptée à l’oral (ou explicitée en cas de blanc dans la conversation), l’écrit ne permet pas cette flexibilité. Le contenu doit être parfait, et adapté à la cible pour susciter la confiance et l’adhésion. L’anglais international est donc bel et bien un idéal inatteignable.
Quelles sont les différentes variantes d’anglais ?
La difficulté dans le cas de l’anglais est que s’il provient bien du Royaume-Uni, il a évolué de manière différente dans les diverses colonies de l’ancien empire britannique : l’anglais britannique reste la référence en Europe, mais les Etats-Unis ont fait évoluer la langue de manière importante, en simplifiant l’orthographe notamment – mais en gardant paradoxalement le système impérial pour les mesures. Les anciennes colonies britanniques (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande notamment) utilisent de leur côté l’orthographe britannique, mais l’influence américaine (notamment au niveau des médias) tend à faire évoluer les usages. Il existe donc un anglais britannique et un anglais américain qui sont particulièrement distincts, et ensuite autant de variétés qu’il existe de pays.
Ceci s’explique probablement par le fait que l’anglais n’est régi par aucune autorité de type Académie française : il n’existe officielle aucune variante « correcte » (ou « incorrecte »), seulement des usages qui diffèrent d’un pays à l’autre.
Quel est le problème si on mélange différentes variantes d’anglais dans un texte ?
Du point de vue de l’orthographe, cela donne un texte mal écrit ou un même mot peut être écrit de deux manières différentes : par exemple colour (UK) / color (US), cheque (UK) / check (US), catalogue (UK), catalog (US), analyse (UK) / analyze (US), parmi beaucoup d’autres. L’anglais américain tend à simplifier.
Du point de vue de la grammaire, ce qui est une erreur dans une langue peut fonctionner dans l’autre : les Anglais diront « the government are » (pluriel) alors que les Américains diront « the government is » (singulier). Les Anglais appellent « on » + numéro de téléphone, et les Américains appellent « at » + numéro de téléphone.
Toute aussi importante est la question du vocabulaire : parfois non seulement ces deux variantes d’anglais utilisent deux mots différents pour désigner quelque chose (l’essence d’une voiture est « petrol » en Angleterre et « gas » aux Etats-Unis), mais cela peut entraîner des malentendus quand un même mot désigne des choses différentes d’un pays à l’autre. Par exemple, « thong » désigne un string en anglais américain et britannique, mais des tongs de plage en anglais australien (que les Anglais et Américains appellent « flip-flops » et les néo-zélandais « jandals »). Un lecteur peut vite s’y perdre.
Sans anglais international, comment faire le bon choix ?
On a vu la confusion que peut entraîner un mélange des genres entre un anglais britannique et américain. Quelle que soit l’option retenue, l’important est la cohérence, et surtout le marché cible que vous visez car au-delà de la langue, d’autres considérations sont importantes. Les Etats-Unis utilisent le système impérial pour les mesures, alors que le reste du monde utilise le système métrique. Les formats de dates et heures changent d’un pays à l’autre : le 12/08/2015 est le 12 août en Europe et le 8 décembre aux USA. Un « first floor » est le rez-de-chaussée aux Etats-Unis, et le 1er étage au Royaume-Uni. Au-delà de la traduction, c’est la localisation qui permet d’adapter le contenu à la cible : c’est pour cette raison que nos traducteurs sont non seulement choisis pour la qualité de leur travail mais aussi pour leur connaissance des règles et usages de leur pays d’origine.
Lors du Salon des Entrepreneurs de Nantes, Thomas Benzazon rencontre Mathieu Marechal. Le co-fondateur de Trad Online nous donne la définition de son entreprise en 3 hashtags et un tweet.
Dragon naturally speaking est un logiciel de reconnaissance vocale. C’est d’ailleurs le plus vendu au monde dans sa catégorie !
Il présente deux fonctionnalités principales :
Pouvoir dicter un texte qui s’écrit en temps réel sur un document Word
Pouvoir contrôler son ordinateur sans utiliser le clavier ni la souris
Autrement dit, votre simple voix peut vous permettre de créer des documents, de naviguer sur internet, d’envoyer des emails, créer des rapports…en d’autres termes, de contrôler votre ordinateur. Et tout cela en quelques secondes !
Question mise en page il n’est pas non plus en reste puisqu’il est possible de réaliser un certain nombre de choses par commande vocale uniquement. Sélectionner un texte pour l’effacer ou le mettre en évidence, lancer une recherche, mettre des mots en majuscule, etc. La liste des possibilités est longue et je ne pourrais ici vous en proposer une version exhaustive.
Qui utilise Dragon Naturally Speaking ?
Pour les entreprises qui ont besoin de retranscrire le contenu de longues réunions de manière régulière, c’est un énorme gain de temps car l’humain parle bien plus vite que ce qu’il n’est capable d’écrire (3 fois plus vite).
De nombreuses entreprises ont donc recours à ce logiciel simplement pour améliorer la productivité de leurs employés.
En tout cas les directions qui optent pour ce logiciel misent sur l’automatisation des tâches répétitives en vue de dégager du temps à valeur ajoutée chez leurs salariés.
Ce logiciel est également utilisé par de nombreuses personnes en situation de handicap et il permet également de lutter contre les troubles liés à l’utilisation intensive du clavier et de la souris.
Les aspects négatifs du logiciel
Bien entendu le logiciel peut faire quelques erreurs, mais d’après l’éditeur, sa précision peut aller jusqu’à 99%.
Les erreurs sont de nature orthographique car le logiciel ne perçoit pas toujours bien le contexte et ne choisit pas toujours la bonne écriture pour un mot qui aurait des homonymes. Mais l’éditeur ayant réponse à tout, il propose une version enrichie en vocabulaire dans sa version pro ! (800€)
Si vous êtes moins exigeant, la version Home reste bien plus économique (environ 70€)
A noter toutefois que ce logiciel ne peut pas être utilisé dans un espace trop bruyant au risque de dysfonctionner. Il faut pouvoir s’exprimer à haute voix dans le micro pour un résultat de qualité. A éviter donc en open space ou dans les co-working !
Il faut également un peu d’entrainement avant d’arriver à en tirer profit car il ne faut pas bafouiller, et plus on prépare mentalement ses phrases avant de s’exprimer, plus la qualité finale sera bonne.
Chez TradOnline nous n’avons pas encore investi dans cet outil, mais comme nous sommes très friands de nouvelles technologies ce n’est sans doute qu’une affaires de mois 😉
Si vous êtes une PME tout comme nous, et que vous avez franchi le pas, n’hésitez pas à nous envoyer votre témoignage !
Merci beaucoup d’avoir accepté cette interview et merci de prendre le temps de répondre à mes questions.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Stéphan Barrère, interprète diplômé en Master 2 « Interprétation langue des signes française – français » à l’université de Lille 3 depuis six ans.
Je suis devenu interprète suite à une reconversion professionnelle. Après des études à Sciences Po, une maîtrise en relations internationales et un DEA en sciences de l’information et de la communication, j’ai travaillé comme responsable de communication internationale au sein de groupes énergétiques gaziers pendant des années. Après un licenciement, j’ai fait le choix de voyager pendant deux ans.
À mon retour, j’ai souhaité changer de voie. J’ai découvert tout à fait par hasard le métier d’interprète LSF en ouvrant un classeur de formation à Pôle Emploi.
Pour votre reconversion professionnelle, pourquoi avoir choisi la voie de l’interprétariat en LSF ?
Je cherchais quand même un métier dans la communication avec un côté humain dans lequel on peut s’engager. Le métier d’interprète LSF allie ces deux aspects.
C’est un métier jeune, qui s’est structuré à partir des années 90. Le métier n’est pas encore reconnu ; il n’y a pas de protection du statut.
Avant, c’était souvent les membres de la famille qui jouaient ce rôle. Aujourd’hui, l’interprète LSF est plus qu’une aide humaine. Pourtant il est souvent vu comme une aide sociale, car il est souvent financé via des aides telles que la PCH ou des aides de l’AGEFIPH. Il est important que ce métier soit reconnu et qu’il soit protégé aussi : n’importe qui connaissant la langue des signes ne peut pas se proclamer interprète. La formation est très spécifique, elle inclue des notions linguistiques importantes et surtout l’apprentissage des bonnes pratiques professionnelles définie par notre code éthique . Être interprète demande une grande concentration et une gymnastique cérébrale intense.
Je milite pour la reconnaissance de notre métier et notre diplôme, c’est vraiment très important à mes yeux.
Connaissiez-vous la langue des signes avant de devenir interprète ? Quel est votre parcours ?
Avant d’ouvrir le classeur de formation de Pôle Emploi, je ne connaissais pas la langue des signes. Je n’ai pas de membre de la famille sourd, je n’avais aucun lien avec la communauté sourde, je ne connaissais pas la culture sourde.
Pour confirmer mon choix concernant cette reconversion, j’ai effectué un stage en langue des signes et je me suis lancé.Il m’a fallu deux ans pour apprendre la langue des signes avant de démarrer le Master en interprétariat. Quand j’ai eu mon diplôme, j’ai travaillé trois ans dans une agence d’interprètes LSF – français, puis je me suis installé en tant qu’interprète freelance en créant un réseau d’interprètes indépendants, ( i ) LSF.
Comment se passe l’apprentissage de la LSF ?
La démarche d’apprentissage de la LSF est assez compliquée.
Pour commencer, il n’y a pas d‘enseignement public de la langue des signes. Il y a bien le cursus science du langage option LSF, mais il y a très peu d’heures d’enseignement. L’apprentissage de la LSF constitue une réelle démarche personnelle. Il faut s’adresser à des associations qui proposent des cours. Cela implique un engagement personnel et financier (250 € à 300 € la session – il faut au moins 14 semaines avant de se lancer en 1ère année du master d’interprétariat). Et il n’est pas évident de faire passer le financement de cet apprentissage en DIF, puisqu’il ne s’agit pas d’une formation diplômante.
Quant à l’apprentissage en lui-même, c’est également compliqué. En tout cas, cela l’a été pour moi. Au début, on croit s’exprimer en langue des signes alors qu’en fait on fait du français signé : on a tendance à plaquer des signes sur la structure de la phrase en français. C’est très difficile de passer du français signé à la LSF. La langue des signes est une langue visuelle, qui se construit comme un décor. On doit parvenir à oublier la structure des phrases du français pour arriver à visualiser le sens et à le faire visualiser.
Quel est le rôle d’un interprète LSF ? Dans quelles situations intervenez-vous ? Auprès de quelles structures ?
Le rôle de l’interprète en LSF, c’est avant tout d’être un facilitateur et de lever l’obstacle linguistique entre deux communautés. Comme un interprète de langue vocale, notre rôle est de permettre à chacun de s’exprimer et de comprendre. Il faut voir plus loin que l’aide humaine ou l’aide sociale. L’interprète en LSF travaille au service de deux communautés, l’une sourde, l’autre entendante.
Au niveau de nos interventions, il y a une grande différence avec nos collègues de langue vocale : l’interprète LSF intervient dans toutes les situations de la vie quotidienne. Nous travaillons la plupart du temps en simultané et nous faisons très peu d’interprétariat consécutif.
Pour ma part, je suis souvent contacté pour des missions d’interprétariat de liaison lors d’entretiens professionnels ou privés. Je fais également beaucoup d’interventions en liaison supérieure, c’est-à-dire pour des réunions en petits groupes (réunion de service, formation continue, mariage, baptême, etc.).
Nous intervenons également pour des conférences, des séminaires, des meetings politiques, à l’Assemblée Nationale ou lors d’émissions de télévision. Quelques-uns mes collègues font également de la visio-interprétation. Attention cependant, certaines entreprises privées n’utilisent pas toujours des interprètes professionnels diplômés et la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.
Est-ce un rôle répandu en France ?
Il y a environ 400 interprètes diplômés en France, mais tous ne sont pas en activité ou travaillent à temps plein. On dit qu’il n’y aurait pas assez d’interprètes diplômés en France, mais dans la dernière promotion parisienne certains n’ont pas trouvé d’emploi. Actuellement en Île-de-France, le secteur semble saturé, dans les autres régions les choses sont peut-être différentes.
Qu’est-ce qui peut être fait pour promouvoir ce rôle ?
Que la loi du 11 février 2005 soit réellement appliquée ! Un effort au niveau de l’accessibilité doit être fait par les administrations françaises. Il faut que ces dernières prennent des interprètes diplômés chaque fois qu’elles ont des rendez-vous avec des usagers sourds et qu’elle vérifie la qualité des interprètes pour éviter de faire appel à des personnes s’autoproclamant interprètes mais n’ayant pas les compétences requises.
Il y a également un travail titanesque à faire au niveau de l’Éducation Nationale pour favoriser une éducation bilingue LSF / français et diminuer l’échec scolaire des personnes sourdes. Il faudrait aussi créer des centres-relais de visio-interprétation gratuits et universels comme cela existe dans de nombreux pays.
Il faudrait aussi que la LSF soit mieux présente dans les médias et notamment à la télévision : il n’y a pas de journaux télévisés traduits à 20h sur les chaines du service public, il n’y a pas de traduction lors des allocutions des hommes politiques. Alors que dans d’autres pays, de gros efforts sont déjà fournis. Par exemple, la TV belge permet de regarder un journal traduit sur son site internet ou encore à New York, lors de la tempête Sandy en 2012, toutes les conférences de presse étaient traduites en ASL (langue des signes américaine).
La France est très en retard dans ce domaine. On a pu hélas encore le constater lors des dramatiques événements survenus à Paris : ni les éditions spéciales des journaux, ni les interventions du Président de la République ou du gouvernement n’étaient traduites en langue des signes.
Des agences de traduction vous contactent-elles pour des interventions lors de conférences ou meeting, comme nous pouvons le faire avec des interprètes espagnols ou anglais ?
C’est assez rare, mais ça arrive pour des conventions d’entreprise par exemple. Sinon, il y a des agences spécialisées en interprétariat français / LSF.
Quels conseils donneriez-vous à une personne souhaitant devenir interprète LSF ?
Il est important de tester son envie d’apprendre la langue des signes : c’est une langue difficile qui nécessite de s’investir énormément. En tant qu’interprète LSF, on est amené à monter sur scène, notamment lors de conférences, pour que chacun puisse nous voir. Il est important de s’interroger sur sa capacité à affronter ces situations. Il convient de réaliser un premier stage dans le milieu de la langue des signes pour valider cette envie. Il faut également comprendre que c’est un vrai métier, cela ne s’apprend pas en un an. Cela nécessite un investissement financier et personnel. Avant de commencer des études d’interprète en LSF, il faut connaître la langue des signes, on ne l’apprend pas lors du Master.
Il ne faut pas décider de devenir interprète qu’après s’être bien renseigné sur les aptitudes nécessaires à ce métier, et après avoir engagé une réflexion personnelle sur ses aptitudes personnelles et ses aspirations dans la vie. Il ne faut pas vouloir devenir interprète par « bons sentiments » pour « aider les sourds ». Ces derniers d’ailleurs n’en veulent pas, ils veulent qu’on respecte leur autonomie et c’est normal. Il faut donc choisir cette voie car vous êtes attiré par les langues, par l’interprétation, par la découverte d’une culture différente et l’envie de permettre à deux communautés de communiquer et de se comprendre.
Il y a cinq universités qui proposent un Master d’interprète en LSF (Paris 3 et 8, Rouen, Lille 3 et Toulouse). À Toulouse, il y a aussi une formation de traducteur du français écrit vers la LSF (le texte est retranscrit en vidéo). C’est un diplôme de niveau licence, qui est ouvert aux personnes sourdes.
Enfin, on peut vouloir apprendre la LSF sans pour autant devenir interprète mais l’utiliser dans sa vie professionnelle, ce qui permettrait de faciliter l’intégration des personnes sourdes et malentendantes.
Merci beaucoup Stéphan de nous avoir fait découvrir le métier d’interprète LSF / français !
Découvrez le blog de Stéphan : Des signes et des mots, chroniques d’un interprète en langue des signes française