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10 idées reçues sur la traduction

2 Juil 2012 | International, Métier

Nous proposons ici une traduction de l’article de Nataly Kelly, paru dans le Huffington Post et que vous pouvez retrouver ici : Article – Traduction – HuffingtonPost

La traduction a un impact sur quasiment tous les aspects de la société, de la politique et de l’économie. Vous pensez connaitre le secteur de la traduction & interprétation ? Mais qu’en est-il réellement ? Vous pourriez trouver surprenant d’apprendre que la traduction représente un marché fortement diversifié et complexe, mais également plus étendu que vous ne le pensiez. Voici un florilège des 10 idées reçues sur la traduction les plus courantes concernant ce secteur et ce métier :

Idée reçue N° 1 : Le marché de la traduction est un marché de niche. Le marché mondial de la traduction dépasse les 33 milliards de dollars US (soit environ 26 milliards d’euros) en 2012. La traduction écrite en est sa principale composante, vient ensuite l’interprétation sur site et la localisation de logiciels. Les petites agences sont majoritaires et leur nombre s’élève à plus de 26000 dans le monde. Ces entreprises assurent la coordination de projets de traduction multilingues comprenant la plupart du temps plusieurs formats de fichiers et impliquant la maitrise de différents processus et outils techniques. Les contenus en eux-mêmes sont traduits et interprétés par des centaines de milliers de professionnels de la traduction et de l’interprétation travaillant dans toutes les régions du monde. La plupart d’entre eux sont des travailleurs indépendants et ont pour interlocuteurs les sociétés de traduction, mais beaucoup de traducteurs ont également des clients directs.

Idée reçue N° 2 : Les besoins en traduction sont en régression. Le service des statistiques du ministère du travail aux Etats-Unis (US Bureau of Labor Statistics) estime que le nombre de postes de traducteurs et d’interprètes s’élèvera aux Etats-Unis à 83000 en 2020. Il est prévu que le marché de l’emploi dans le secteur augmente de 42 % entre 2010 et 2020, une croissance bien supérieure à la moyenne de 14% pour les autres professions. Les données provenant de Common Sense Advisory (une société d’études de marché) montrent que le marché de la traduction affiche globalement un taux de croissance agrégé de 12,17%.

Idée reçue N° 3 : La plupart des traducteurs traduisent des livres et les interprètes travaillent en grande majorité à l’ONU. La traduction littéraire et l’interprétation de conférences sont deux des spécialités de premier plan, mais elles ne représentent en réalité que de minuscules segments du marché dans sa globalité. Quels sont les plus gros budgets alloués à la traduction ? Les agences militaires et de la défense du territoire sont les plus dépensières en service de traduction, l’Etat américain déboursant régulièrement des milliards de dollars en traductions pour la défense et le renseignement. Dans le privé, les secteurs ayant le plus recours à ce type de service sont l’industrie, les éditeurs de logiciels, la santé, le juridique et les services financiers. C’est l’une des raisons de la spécialisation de nombreux traducteurs indépendants dans ces domaines et qui exercent en tant que traducteur financier, interprète médical, traducteur juridique ou interprète assermenté. 

Idée reçue N° 4 : Toute personne bilingue peut se lancer dans la traduction et l’interprétation. Savoir écrire en français ne fait pas de quelqu’un un écrivain tout comme parler le français ne nous transforme pas tous en de grands orateurs. De la même manière, savoir parler ou écrire deux langues ne signifie pas nécessairement que l’on peut les traduire ou les interpréter. Nombreuses sont les personnes qui, parlant parfaitement deux langues, échouent aux examens professionnels de traduction et d’interprétation. Le bilinguisme ne garantit en rien une capacité à transposer fidèlement le sens des mots et le contenu culturel d’une langue vers une autre. La plupart des traducteurs et des interprètes sont des personnes très instruites, diplômées et formées soit en traduction, soit en sciences du langage ou dans un domaine spécialisé. Il existe aussi des certifications professionnelles optionnelles, largement reconnues et fortement recommandées. Aux Etats-Unis, les traducteurs sont certifiés par l’American Translators Association (l’équivalent outre atlantique de la Société Française des Traducteurs professionnels) et les interprètes peuvent aussi bénéficier de certifications variées.

Idée reçue N° 5 : Les interprètes et traducteurs font la même chose. Le terme général que le grand public utilise pour faire référence aux professionnels de la traduction est « traducteurs », mais les traducteurs et les interprètes ont en réalité des aptitudes professionnelles très différentes. La traduction concerne la langue écrite alors que l’interprétation concerne la langue orale. Les traducteurs doivent disposer de compétences approfondies en écriture et d’une formation à la traduction mais doivent également maîtriser les outils de traduction assistée par ordinateur (TAO) et de gestion de bases de données terminologiques. Les interprètes doivent quant à eux développer leur mémoire immédiate et leurs qualités de prise de notes. Ils doivent également être capables de mémoriser des termes spécifiques de manière à se les rappeler instantanément.

Idée reçue N° 6 : Les traducteurs et les interprètes travaillent avec plus d’une paire de langues. L’une des questions que les traducteurs se voient le plus souvent poser est : « combien de langues parlez-vous ? ». En réalité, beaucoup de traducteurs travaillent dans une direction unique, d’une langue à l’autre et non l’inverse. Une connaissance approfondie de deux langues plutôt qu’une connaissance superficielle de plusieurs langues est préférée. Pourquoi ? Sur environ un million de mots que comporte la langue anglaise, un anglophone moyen en utilise régulièrement de 4000 à 5000. Les anglophones « instruits » en connaissent entre 8000 et 10000 alors que les professionnels anglophones des secteurs comportant un vocabulaire très étendu tels que les avocats et les médecins utilisent environ 23000 mots. Les traducteurs et les interprètes qui travaillent pour ces professions spécialisées utilisent souvent ce vocabulaire étendu dans deux langues à la fois. Certains travaillent bel et bien avec plus d’une paire de langue tels que les interprètes de conférence qui ont une connaissance « passive » de plusieurs langues qu’ils sont en mesure de comprendre mais les traducteurs et les interprètes ne sont généralement pas des hyperpolyglottes.

Idée reçue N° 7 : La traduction n’a d’importance que pour les linguistes. Les besoins en traduction touchent à la fois les secteurs publics et privés. Dans le monde des affaires, les dirigeants d’entreprises de toutes tailles commencent à se rendre compte que la traduction est un moyen d’augmenter les revenus de leur entreprise et de pénétrer de nouveaux marchés. Une étude récente démontre que les compagnies du classement « Fortune 500 » ayant augmenté leur budget traduction étaient 1,5 fois plus à même que les autres membres du classement d’augmenter leur chiffre d’affaires. L’intérêt du gouvernement américain pour la traduction est lui aussi en croissance. Il est en fait même nécessaire pour les ONG et les organismes à but non lucratif de s’organiser à ce sujet : Un rapport rédigé par Traducteurs sans Frontières en mai 2012 et traitant de la traduction en Afrique a montré qu’un plus grand accès aux informations traduites pouvait améliorer l’intégration politique, le système de santé, le respect des droits de l’homme et même permettre de sauver la vie de citoyens de pays africains.

Idée reçue N° 8 : Les projets participatifs entrainent un chômage des traducteurs. Les traductions participatives deviennent de plus en plus populaires à mesure que les communautés en ligne prennent de l’ampleur. Ce phénomène a lieu lorsque les membres d’une communauté en ligne s’intéressent à un produit et souhaitent l’utiliser dans leur langue maternelle. Parfois ces clients et ces fans font même leur propre traduction et les diffusent sur les forums d’utilisateurs. Au lieu de laisser leurs clients débattre entre eux du meilleur choix de traduction, certaines entreprises ont eu la bonne idée de permettre à leurs communautés de leur proposer facilement des traductions. Les entreprises profitent-elles ainsi de ces bénévoles, en les transformant en une force de travail gratuite ? La recherche démontre que faire des économies n’est en réalité pas la première motivation de ces entreprises : le coût en termes de temps et d’argent pour la mise en place de telles plates-formes est supérieur à celui d’une traduction traditionnelle. Souvent, ces entreprises ont recours aux processus « classiques » de traduction et aux entreprises de traduction pour modifier le contenu traduit dans un premier temps de manière participative ; elles estiment toutefois que cette approche renforce l’implication des clients et utilisateurs en leur permettant d’exprimer leur préférence.


Idée reçue N° 9 : Les systèmes de traduction automatique réduisent la demande en traduction humaine. En fait c’est le contraire. La traduction automatique, en réalité, nourrit le marché en général et participe à la croissance de la demande en traduction traditionnelle. De quelle manière ? Les systèmes de traduction automatiques, particulièrement en ligne et gratuits, servent de campagne de sensibilisation en mettant la traduction directement à la disposition de l’utilisateur moyen. Traduire de gros volumes d’information n’est jamais gratuit : ceci a un coût, même dans le cas des systèmes automatiques. Ces technologies de traduction automatique représentent un pourcentage
minuscule du marché total de la traduction. Elles sont bien entendu capables d’effectuer des tâches impossibles pour l’homme, telles que l’analyse pointue de textes volumineux et en fournir un résumé, mais comme pour beaucoup de technologies, elles nécessitent une intervention de l’homme pour les utiliser intelligemment. Comme le fait remarquer Ray Kurzweil, la technologie aide plus souvent des secteurs à évoluer qu’elle ne les remplace.

Idée reçue N° 10 : Viendra un jour où la traduction sera gratuite. L’industrie de la traduction et de l’interprétation est chaque année à l’origine de la création de dizaines de milliers de nouveaux emplois dans le monde, une tendance pour laquelle on ne prévoit aucune baisse. Les traducteurs et les interprètes en sont des acteurs incontournables. Mais comme pour beaucoup d’autres activités du secteur tertiaire, la chaine de valeur de la traduction rassemble aussi de nombreux professionnels aux spécialités variées : chefs de projet, responsable client, directeurs des ventes, directeurs de production, programmateurs, formateurs, responsables qualité, relecteurs, professionnels de la publication assistée par ordinateur, ingénieurs, chefs de produit, commerciaux, responsables marketing, techniciens, sans oublier les ressources humaines, la facturation et les technologies de l’information. Une étude de Common Sense Advisory montre que la demande dépasse l’offre en matière de traduction, et de ce fait le rôle des traducteurs devient encore plus important. Cependant, ils font partie d’un « écosystème » bien plus vaste, un système international permettant aux entreprises de continuer à se développer et à maintenir leur capacité de communication.

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