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Les mésaventures de Mango ou les bracelets esclaves

4 Mar 2013 | International

Voici un cas d’école des dégâts que peut causer une mauvaise traduction sur l’image d’une marque. Ca n’est pas la première et malheureusement pas la dernière ! Nous vous proposons ici une petite analyse linguistique de ce qui a déchaîné les passions sur les réseaux sociaux, à savoir ce qu’il faut savoir sur ces fameux « bracelets esclaves ».

Que s’est-il passé ?

Tout a démarré d’une pétition qui dès lundi reccueillait plus d’un millier de signatures et qui depuis a fait boule de neige – non seulement sur les réseaux sociaux, mais sur les plus grands médias français (au hasard et dans le désordre : Le Point, Le Monde, LCI, Le Nouvel Obs… entre autres) mais aussi SOS Racisme ou le Conseil Représentatif des Associations Noires ! Tout le monde s’y met et y va de son mot de condamnation. En cause, ces bijoux :

Le point de vue du linguiste

Vous le savez probablement, Mango est une marque espagnole. Les textes source sont donc vraisemblablement écrits dans cette langue. Or « esclavo » dans cette langue décrit bien un type de bracelet, et c’est même la Real Academia Española qui le dit (voir les points 5, 6 et 7). En français cela se traduirait par le terme « jonc », si l’on veut être précis. Cependant l’usage semblerait désigner aussi des gourmettes, si l’on en croit Google avec la requête « esclavas de oro » – ces deux usages désignent bien ici les types de produit que propose Mango.

L’étymologie du mot ne fait aucun doute, mais pour autant ce terme est passé dans le langage courant et n’apparaît pas comme étant particulièrement connoté pour un espagnol. En français, la dénomination « esclave » n’existe pas en bijouterie, donc la seule association d’idées possible pour le lecteur est l’esclavage, au sens historique du terme ; il n’est donc pas très étonnant que la plupart des internautes s’en offusquent.

On voit bien ici les aléas de la traduction, même réalisée par une personne et pas par une machine : il est indispensable de solliciter un traducteur maîtrisant à la fois langue et le contexte culturel, donc un natif du pays cible. Visiblement en anglais la bévue a été évitée puisque le terme choisi est « woven bracelet ». Dommage que la traduction française ait été aussi maladroite.

Le point de vue du community manager

Nous avons choisi de parler de « traduction maladroite » et non d’accuser la marque de tous les maux. Ce qui est problématique ici c’est le peu de crédit accordé à Mango quand la marque signale qu’il s’agit bien d’une erreur de traduction sur Twitter et corrige immédiatement les descriptifs incriminés. La plupart des détracteurs ne croient pas une seconde à cet argument sans avoir les moyens de juger de la pertinence de ceux-ci. Alors est-ce le besoin de se racheter une conscience, de défendre une cause avec un investissement zéro ou d’avoir l’impression de faire partie d’une grande communauté de redresseurs de torts ? Ou plus prosaïquement, parce que la dictature du clic partage a encore frappé ? Levez la main ceux qui ont été vérifier la crédibilité de l’argument « erreur de traduction ».

Nous en profitons pour rappeler qu’il existe en français un type de maillon qu’on appelle « maille forçat » et que cela ne choque personne, malgré les milliers de morts dans les bagnes français. Tant qu’à être politiquement correct, soyons-le jusqu’au bout !

Par ailleurs les critiques ont fusé sur les bijoux eux-mêmes, alors que des chaînes en maille comme celles présentées ici on en trouve des centaines de milliers différentes et qu’elles ne représentent pas (ou plus) un attribut de l’esclavage. Sinon il y a fort à parier que les fabricants de gourmettes auraient déjà mis la clé sous la porte.

Quelle conclusion tirer de tout ceci ? Faites appel à des professionels pour vos travaux de traduction, ne sous-estimez pas l’impact d’une mauvaise traduction sur votre image, vos ventes et votre chiffre d’affaires !